- SEXUEL (COMPORTEMENT)
- SEXUEL (COMPORTEMENT)Pour le biologiste préoccupé par l’étude des conduites animales, le comportement sexuel est particulièrement intéressant comme modèle expérimental.Par définition, il n’apparaît complet qu’à l’âge adulte. Il est de ce fait un modèle idéal pour l’étude des différents modes d’acquisition d’informations et de leurs rôles respectifs dans l’organisation d’une conduite: apprentissage, acquisition au cours de l’ontogenèse, adaptation évolutive de mécanismes innés, etc. Cela explique la place occupée par l’étude des parades nuptiales dans les travaux des éthologistes. Par ailleurs, il est possible de relier les observations des comportements à des modifications de l’équilibre endocrinien, de l’anatomie de l’appareil génital, de la physiologie sensorielle, ce qui est particulièrement favorable pour l’étude des mécanismes de réalisation d’une conduite.En outre, les développements de l’endocrinologie ont permis d’identifier les composés chimiques en jeu, et de déterminer leur mode et leur lieu d’action.Il est donc possible de tenter d’analyser comment, à partir d’un signal simple – une molécule chimique bien connue – se produisent des modifications complètes des relations interindividuelles.Enfin, la connaissance du comportement animal peut éclairer certains aspects des conduites humaines, à la condition que puisse être précisée la part des réactions que l’homme a en commun avec d’autres groupes zoologiques.Nous nous limiterons dans cet article aux seuls Mammifères. Dans ces espèces, les plus intéressantes à comparer à l’espèce humaine, l’endocrinologie et la physiologie générale sont bien connues. En outre, leur comportement sexuel présente des phases moins nombreuses, moins longues, moins complexes de forme que celles des Oiseaux, des Poissons ou des Arthropodes.1. Structures sociales et comportement sexuelLe comportement sexuel n’est qu’un des aspects des relations interindividuelles existant au sein d’une espèce. Les rapports entre partenaires sexuels sont inséparables de l’ensemble de la structure sociale et de l’utilisation de l’espace par l’animal. Ainsi la relation entre mâle et femelle déborde en général très largement l’activité sexuelle proprement dite et ne peut être étudiée et comprise que si elle est située dans l’ensemble du contexte social de l’espèce.C’est en effet l’organisation sociale d’une espèce qui déterminera non seulement quels seront les partenaires sexuels, mais même quels seront les individus qui pourront accéder à la reproduction. Ce mécanisme met en jeu un événement crucial aussi bien pour l’espèce que pour l’individu: il détermine le flux des gènes à travers les générations. Pour l’espèce, ce choix porte les possibilités d’évolution, pour l’individu, l’assurance de la survie de son patrimoine génétique dans sa descendance.Les structures sociales des Mammifères présentent une grande variété: occupation permanente d’un espace défendu contre l’intrusion de congénères – le « territoire » – utilisation pacifique d’un domaine vital partagé avec d’autres, migrations...La relative brièveté de la période d’activité sexuelle de la femelle contrastant avec la plus longue disponibilité du mâle fait d’elle un objet de compétition. La possession exclusive et la défense d’un territoire conditionne dans de nombreuses espèces la mise en place de l’activité sexuelle.Le couple est parfois réuni en dehors de la période de reproduction: par exemple, un mâle peut occuper toute l’année, avec une ou plusieurs femelles, un territoire dont il a acquis l’exclusivité par des combats et des compétitions. Ce cas est assez répandu, aussi bien chez de nombreux Oiseaux que chez les Primates comme le gibbon ou chez des espèces comme le lapin, le chevreuil, le léopard ou les Équidés.L’occupation d’un territoire peut être limitée à la période de la reproduction (fig. 1), ou même réservée au déroulement de l’activité sexuelle: il en est ainsi des zones de brame des cervidés ou de certaines antilopes comme le kob. La totalité des phénomènes de reproduction des otaries (accouplement, mise bas, allaitement) a lieu à terre; préalablement, les mâles entrent en compétition pour la conquête d’emplacements ou les femelles seront rassemblées en harem; les mâles qui ne parviennent pas à contrôler un territoire sont définitivement exclus de la reproduction (P. Paulian, B. J. Le Bœuf).Même dans des conditions aussi artificielles que celles de l’élevage, ce comportement persiste. Un lapin mâle ne s’accouple dans une cage que s’il l’occupe depuis assez longtemps pour la considérer comme son territoire. Placé au contraire dans la cage d’une femelle, il garde la réaction de peur qui caractérise l’animal dans un territoire étranger.Lorsque les animaux vivent, au moins temporairement, en groupe, il apparaît entre eux, en général, une hiérarchie sociale. Dans une situation de compétition, le dominé cède la place à l’animal supérieur. Lorsque la femelle en œstrus est l’occasion de cette compétition, le mâle inférieur peut être écarté du groupe social. C’est le cas des harems où un seul mâle est présent dans un groupe de femelles et assure la majorité des accouplements (marmottes, lapins, Équidés, otaries, etc.). Souvent cependant, les dominés ne sont pas exclus du groupe, mais seulement écartés de la femelle en œstrus. Ils n’en sont pas moins partiellement ou totalement exclus de la reproduction (fig. 2).Ainsi chez l’éléphant de mer, B. J. Le Bœuf a observé que, dans un groupe, les quatre mâles les plus élevés dans la hiérarchie assuraient 88 p. 100 des accouplements, tandis que les autres, au nombre de 67, n’étaient responsables que de 12 p. 100. Des faits identiques sont connus chez le lapin, les bovins et de nombreux Primates, depuis les macaques et les babouins jusqu’aux anthropoïdes. Le degré d’exclusion des subordonnés varie d’une espèce à l’autre et même individuellement en fonction du niveau d’agressivité du dominant.Cependant, les rapports de possession que suggèrent ces structures sont loin de refléter la réalité: l’existence d’une sélectivité sexuelle est observée dans de très nombreuses espèces. Des couples permanents monogames ou polygames et exclusifs sont décrits aussi bien chez des Primates (gibbon) que des Carnivores (loup, renard) ou des Ongulés (Équidés). Un couple monogame peut exister au sein d’une meute de loups, alors même que les autres rapports sont régis par une hiérarchie sociale. La sélectivité sexuelle est aussi bien le fait du mâle que de la femelle, même au sein du harem des chevaux.Enfin, même en l’absence d’une sélectivité complète, des préférences sexuelles sont observées dans la quasi-totalité des espèces: la fréquence des accouplements varie considérablement selon le partenaire aussi bien chez le macaque et le chimpanzé que chez le taureau ou le bélier.La mise en place de la structure dans laquelle se déroulera l’activité sexuelle donne lieu à l’occupation d’une zone de nidification ou d’un territoire, la « prise de possession » d’un harem par l’élimination des mâles rivaux. Parades, menaces et combats ont été souvent décrits et popularisés par la photographie et le film.Le résultat conditionne l’accès à la reproduction. Il aboutit fréquemment à une disjonction entre la puberté physiologique et la possibilité d’engendrer une descendance. Chez les espèces polygames, la femelle peut être fécondée dès la puberté. Mais dans le cas des espèces à longue durée de vie, il s’écoule plusieurs années entre la puberté physiologique du mâle et le moment où il commence à pouvoir s’accoupler. Alors que dans les espèces à couples monogames, il existe un équipotentialité d’accès à la reproduction, la polygamie ne permet qu’à une faible partie de l’effectif de se reproduire.Ces différentes « stratégies » auront des conséquences très importantes dans la répartition des flux de gènes au sein de la population ainsi que dans les possibilités d’évolution des espèces.2. Organisation et mécanismes de l’activité sexuelleDans tous les cas, l’activité sexuelle commence par une recherche mutuelle du contact entre mâle et femelle. Les échanges d’informations sensorielles qui interviennent ont alors plusieurs fonctions: ils rendent d’abord possible l’identification de la réceptivité sexuelle du partenaire, puis provoquent les réponses comportementales qui induisent les réactions posturales nécessaires à l’accouplement.Cependant, l’activité sexuelle ne se termine pas après un premier accouplement, et dans la majorité des espèces, des copulations répétées prennent place selon un déroulement temporel précis, constituant une séquence complète.Recherche mutuelle des partenairesLorsque le couple n’est pas formé longtemps avant l’approche de l’activité sexuelle, la réunion des partenaires repose sur des mécanismes d’interattraction limités à cette période et impliquant des signaux spécifiques. Ce cas est fréquent chez les Mammifères: la recherche du partenaire sexuel se situe lors de la période de reproduction. Or, l’aptitude à l’accouplement est, sinon constante, du moins soumise à des variations lentes chez le mâle, tandis qu’elle est limitée à une courte période chez la femelle. C’est donc à partir d’elle que s’organise cette phase du comportement sexuel. Dans certaines espèces, en effet, des signaux caractéristiques sont émis par la femelle, donnant une indication objective de son état de réceptivité et attirant le mâle. Il peut s’agir d’émissions sonores, de postures, de l’apparition de certaines colorations ou d’odeurs spécifiques. Les réactions de flairage, fréquentes dans les contacts mâle-femelle chez de nombreux Mammifères, font penser à un rôle particulier des signaux olfactifs.L’existence d’une capacité de discrimination de l’état physiologique de la femelle par des informations chimiques a été mise en évidence par des épreuves objectives d’orientation chez les Rongeurs, les Primates, les Ongulés. Il a même été possible de dresser des chiens policiers à détecter des vaches en œstrus. Les substances chimiques en jeu ont pu être identifiées dans deux cas: R. P. Michael, E. B. Keverne et R. W. Bonsall ont montré que, chez le macaque rhésus, l’odeur des sécrétions vaginales de la femelle en œstrus est le signal essentiel dans le déclenchement de l’activité sexuelle du mâle de cette espèce. Ces auteurs ont réussi en outre à déterminer la composition chimique de cette odeur: un mélange très simple d’acides gras à courte chaîne. Ils ont enfin vérifié l’efficacité d’un mélange réalisé à partir de produits purs. Chez le hamster, un composé – le diéthylsulfoxyde – semble jouer un rôle essentiel dans ce phénomène. Mais ce mécanisme est très loin de revêtir chez tous les Mammifères l’importance qu’il a chez les Insectes: chez certains papillons nocturnes, le mâle perçoit l’existence d’une femelle mûre à une distance de plusieurs kilomètres [cf. PHÉROMONES].L’orientation à distance du mâle est souvent moins précise. Chez de nombreux Mammifères, des parades sexuelles sont dirigées vers des femelles non réceptives. Un véritable apprentissage semble nécessaire pour que le mâle devienne capable de détecter la femelle en œstrus (expérience de W. J. Carr chez le rat). Souvent même, il demeure relativement peu apte à identifier l’état physiologique d’une femelle: ainsi le bélier ou le verrat ne discrimine pas entre deux femelles immobilisées dont l’une est en œstrus.Toutefois, bien que l’activité du mâle dans la recherche du partenaire soit la plus remarquable, la femelle n’a pas pour autant un rôle passif, et on observe chez les Mammifères une très importante augmentation de l’activité motrice et exploratoire au moment de l’œstrus. Ce phénomène, mis en évidence chez des Rongeurs de laboratoire, a été observé chez les bovins et les porcins aussi bien que chez les Canidés ou les Primates. Cette activité est orientée vers une recherche active du mâle. On constate, dans des tests objectifs, une très forte attraction de la femelle en œstrus par le mâle chez les ovins (D. R. Lindsay), les porcins (J.-P. Signoret; fig. 3), comme chez les Rongeurs de laboratoire (J. Le Magnen, W. J. Carr, J. J. Stern).Il semble que cette phase du comportement sexuel s’organise par une recherche peu orientée du mâle, qui prend contact avec toute femelle, sans montrer une grande précision sélective. Au contraire, la très forte et précise orientation de la femelle vers le mâle lui fait jouer un rôle essentiel.Déroulement du comportement précopulatoireLes stimulations sensorielles échangées ont un double but: mise en évidence de la réceptivité sexuelle des partenaires et déclenchement des réactions posturales permettant l’accouplement. Nous prendrons comme exemple le comportement sexuel des porcins et nous envisagerons successivement les deux principales réactions posturales: celle de la femelle, une immobilisation qui permet l’accouplement, et celle du mâle, le chevauchement.L’immobilisation de la femelle apparaît parfois lors de la première approche du mâle. Souvent cependant, plusieurs contacts sont nécessaires: à des parades répétées de son partenaire, la femelle répond par une acceptation incomplète avant de s’immobiliser. Les signaux émis par le mâle ont un effet sur l’apparition de la réaction posturale de la femelle. Chez la truie, cette réaction posturale peut facilement être déclenchée expérimentalement (pression sur le dos de l’animal), mais, en l’absence du mâle, la moitié seulement des femelles en œstrus réagissent à cette stimulation. Pour l’autre moitié, les signaux émis par le verrat sont nécessaires pour que la stimulation tactile provoque la réponse posturale. Comme dans cette espèce, le mâle est peu apte à discerner la réceptivité de la femelle à distance, cette détection se fait probablement par essais et erreurs, et la réponse d’immobilisation de la femelle serait alors le critère orientant la réaction du mâle.Chez les Ongulés, l’immobilité, à elle seule, revêt ainsi une signification sexuelle; les autres informations sensorielles venant de la femelle en œstrus ont une importance secondaire. L’importance de ce signal visuel permet d’expliquer des réactions apparemment aberrantes (chevauchement de femelles non en œstrus, de mâles ou même d’objets inanimés). Ce fait est mis à profit pour les collectes de sperme en utilisant comme « boute-en-train » un leurre inanimé.Ce qui semble caractériser l’organisation de ce déroulement du comportement sexuel chez les Mammifères est la multiplicité des stimuli sensoriels intervenant à chaque stade et une surabondance d’informations ayant un effet cumulatif et pouvant se substituer au moins partiellement les unes aux autres. Ce foisonnement de signaux et leur richesse permettent à l’animal de s’adapter efficacement à des conditions variées en assurant la réalisation d’une conduite essentielle pour la survie de l’espèce.AccouplementLe dépôt des spermatozoïdes dans les voies génitales femelles se réalise d’une manière extrêmement variable selon les particularités de chaque espèce.L’éjaculation des Mammifères est réalisée après des stimulations très diverses: tantôt une seule pénétration de l’organe copulateur du mâle, ou intromission, est suffisante (Bovidés), tantôt une série importante d’intromissions successives est nécessaire (Rongeurs, certains Singes); tantôt l’accouplement est maintenu longtemps après l’éjaculation (Canidés), tantôt il cesse aussitôt. La durée de l’accouplement change également considérablement selon les espèces, d’une fraction de seconde à quelques dizaines de minutes; le volume du sperme présente aussi de très importantes variations (cf. tableau).En général, chez les Mammifères, plusieurs accouplements ont lieu au cours d’une période de réceptivité sexuelle de la femelle, mais le nombre varie selon les espèces et les individus. Après un accouplement, il apparaît chez le mâle une phase où, malgré la présence de la femelle en œstrus, on n’observe plus aucune activité sexuelle. Cette période réfractaire, qui semble correspondre à la récupération d’un mécanisme nerveux, a une durée variable allant de quelques secondes à plusieurs heures selon les espèces et les individus. Elle peut se diviser en une première phase, où aucune activité n’est observée quelles que soient les conditions, et une seconde, où la reprise du comportement dépend de l’intensité de la stimulation sexuelle. Chez la femelle, il ne paraît pas exister le même phénomène; une reprise assez rapide de l’activité copulatoire est en général possible.Toutefois, si le mâle semble jouer le rôle essentiel dans l’espacement des accouplements, celui de la femelle, bien que difficile à mettre objectivement en évidence, n’en est pas moins réel. C’est ainsi que le nombre d’éjaculations que peut réaliser un taureau est très supérieur, lors de la collecte de sperme au vagin artificiel, à ce qu’il est dans le même temps avec une femelle réceptive.Conséquences de l’accouplement sur les mécanismes de la fécondationDans la plupart des espèces de Mammifères, la suppression de toutes les stimulations de l’accouplement n’empêche pas la fécondation ni la mise en place de la gestation lorsque les spermatozoïdes ont été déposés par insémination artificielle. Le rôle de l’ensemble du comportement sexuel paraît donc se borner au dépôt de la semence dans les voies génitales femelles.Les chiffres de composition du sperme tels qu’ils sont obtenus lors des collectes pour l’insémination apparaissent très supérieurs, en terme de nombre de spermatozoïdes, à ce qui est nécessaire pour assurer une fécondation. La signification fonctionnelle de la multiplicité des accouplements apparaît cependant lorsque la composition du sperme est observée au cours d’une période d’activité sexuelle intense: dans ces conditions, les réserves spermatiques épididymaires s’épuisent et le nombre de spermatozoïdes éjaculés baisse rapidement. Il peut atteindre le point où plusieurs éjaculats deviennent nécessaires à ce que leur nombre soit suffisant pour assurer la fécondation. Ce fait a été établi en pratique de l’élevage chez les Ovins (A. Synnott, W. J. Fulkerson et D. R. Lindsay) comme chez les Porcins (R. Nowak, M. Paquignon et J.-P. Signoret).Dans plusieurs espèces, les stimulations de l’accouplement sont nécessaires pour provoquer l’ovulation (lapine, chatte, furette, femelle du lama, etc.); dans d’autres (rate, souris), elles sont nécessaires au maintien du corps jaune ovarien permettant l’implantation et le développement des embryons dans l’utérus maternel (cf. appareil GÉNITAL). On connaît de plus en plus d’espèces chez lesquelles des stimulations sensorielles du comportement sexuel retentissent sur les mécanismes de la physiologie de la reproduction. Ainsi l’accouplement peut accélérer le déroulement de l’ovulation chez la rate (C. Aron) ou chez la truie; réduire la durée de la réceptivité sexuelle de la brebis (R. F. Hunter) ou de la truie. Ainsi les conséquences physiologiques de stimulations sensorielles du comportement sexuel seraient plus générales qu’on ne l’imaginait, en agissant par modulation sur l’enchaînement temporel de divers phénomènes.3. Action des facteurs de l’environnementPrésence d’autres animauxLe changement des partenaires sexuels provoque chez le mâle de nombreuses espèces une augmentation de l’activité sexuelle. Cela a été démontré expérimentalement chez le rat ou le taureau et semble assez général. Il s’agit vraisemblablement d’un cas particulier du phénomène de satiété spécifique: la valeur du stimulus diminue jusqu’à s’annuler lorsque le comportement qu’il induit se réalise. Une capacité de réaction persiste néanmoins chez l’individu, et un nouveau stimulus, en l’occurrence une nouvelle femelle, provoque chez lui une reprise d’activité bien plus précoce, après une première éjaculation. Il est curieux de constater que ce phénomène n’a pas été décrit chez la femelle.L’effet des congénères peut apparaître d’une manière moins spécifique: la présence d’animaux effectuant une activité sexuelle facilite l’apparition des réactions sexuelles chez des mâles antérieurement inactifs. Cet « effet de groupe » a été décrit par A. Soulairac chez le rat mâle, mais il existe aussi chez le taureau et de nombreuses autres espèces. La présence passive d’un congénère est également efficace chez les bovins.Modifications de l’environnement et phénomènes d’éveilIl semble que toute intervention provoquant une augmentation du niveau d’éveil du mâle puisse favoriser un renouveau de son activité sexuelle. Chez le rat, K. Larsson a observé que, si après chaque éjaculation on soulevait le mâle par la queue, on augmentait considérablement le nombre d’accouplements qu’il était susceptible de fournir en un temps donné. On peut ainsi réduire de 25 p. 100 la durée de la période réfractaire après éjaculation chez le rat, en créant sur la peau de l’animal des stimulations douloureuses répétées fréquemment (B. D. Sachs). La non-réactivité serait, dans ces conditions, un phénomène psychologique plutôt que physiologique. Chez le rat, le comportement sexuel de mâles ayant subi une électro-éjaculation sous anesthésie est indiscernable de celui des animaux servant de témoins (L. Arvidsson et K. Larsson). Ce n’est donc pas l’éjaculation, mais l’ensemble du déroulement de la séquence qui fait varier le seuil de réaction du mâle.Rythme nycthéméral et saisonnierChez certaines espèces, l’activité sexuelle est limitée à un moment précis de la journée. Chez les Oiseaux, par exemple, les parades nuptiales des lagopèdes n’ont lieu qu’à l’aube. Chez les Mammifères, il peut apparaître une variation du niveau d’activité sexuelle au cours de la journée. Ainsi, chez le rat, un mâle placé dans des conditions standardisées en présence d’une femelle réceptive effectue en moyenne trois éjaculations si le test a lieu entre 12 et 16 heures, contre quatre entre 23 et 3 heures (K. Larsson).La localisation de l’activité sexuelle à une période précise de l’année est le cas le plus fréquent. Elle reflète l’effet du rythme lumineux sur l’activité hormonale. L’action de la durée d’éclairement sur le fonctionnement hypophysaire, se retrouve dans de nombreuses espèces. L’influence de la saison passe donc par les variations d’activité sécrétoire des glandes endocrines.4. Mécanismes neuroendocriniensLorsqu’il est question des mécanismes internes du comportement sexuel, c’est d’abord aux hormones sexuelles que l’on pense. Les sécrétions internes des gonades sont des composés chimiquement voisins: œstrogènes et progestogènes pour la femelle, androgènes pour le mâle sont des stéroïdes dont les formules sont très proches. Le rythme de sécrétion est pourtant entièrement différent selon le sexe. En effet, chez le mâle, bien qu’il existe des variations au cours de la journée, la sécrétion d’androgènes varie peu dans le temps. Les variations saisonnières, lorsqu’elles existent, sont lentes. Chez la femelle, en revanche, les œstrogènes ne sont produits que pendant quelques jours au cours du cycle œstrien. Il y a des différences analogues dans les mécanismes comportementaux.Nous envisagerons donc séparément le déterminisme hormonal du comportement sexuel du mâle et de la femelle.Hormones et comportement sexuel du mâleLorsqu’il a été possible d’effectuer des dosages des hormones circulantes, il est apparu que la secrétion des androgènes chez le mâle n’était pas continue, mais s’effectuait, au contraire, sous la forme d’épisodes brefs au cours de la journée. Aucune variation du comportement sexuel ne peut être mise en relation avec ces changements de la quantité d’androgènes présente dans le sang dont l’importance peut aller de un à dix.La privation des hormones sexuelles à la suite de la castration a des effets très différents selon le développement et l’expérience des individus. Effectuée avant la puberté, la castration maintient les organes génitaux à l’état infantile, et le comportement sexuel n’apparaîtra pas.Chez l’adulte, au contraire, les effets ne sont que partiels et progressifs. La monte, l’érection et l’accouplement peuvent être observés très longtemps dans certains cas: jusqu’à un an chez le rat, plus longtemps encore chez le chien, l’étalon, le chat ou le taureau. Il y a cependant une réduction générale de l’activité sexuelle et l’éjaculation est l’élément qui disparaît le plus vite; cette persistance n’est pas due à d’autres sources d’hormones androgènes comme les surrénales: l’ablation de ces glandes ne modifie pas les comportements sexuels qui persistent.Un traitement hormonal chez le castrat fait réapparaître les divers éléments de comportement sexuel d’une manière aussi progressive. Avec de faibles doses, on observe une proportionnalité entre la dose d’hormone et les effets; en revanche, dès que l’on a rétabli le comportement existant avant la castration, un accroissement de la quantité d’androgènes est sans action, comme si les hormones ne faisaient que révéler le niveau possible d’activité sexuelle.Chez l’animal intact, l’injection de testostérone n’a pas d’effet positif mais, au contraire, par effet de rétroaction au niveau hypothalamo-hypophysaire, elle réduit l’activité sécrétoire du testicule.Équilibre hormonal du comportement sexuel de la femelleChez tous les Mammifères autres que les Primates, l’activité de la femelle est rigoureusement liée à un équilibre endocrinien très précis accompagnant un niveau suffisant de développement des follicules ovariens. En dehors de cet état physiologique, désigné sous le nom d’œstrus, on n’observe, en général, chez la femelle aucun comportement sexuel.La suppression des ovaires aboutit dans la plupart des cas à l’élimination de tout comportement sexuel. Toutefois, dans certaines espèces comme les Équidés et les Primates, une réceptivité sexuelle peut être observée. Dans ces cas, il semble que la sécrétion androgène des surrénales soit impliquée (expériences de C. Asa chez la jument). Cependant, dans les autres espèces de Mammifères étudiées de ce point de vue, l’ovariectomie supprime immédiatement et définitivement l’activité sexuelle.Les sécrétions hormonales naturelles de la femelle comprennent dans la plupart des espèces une brève production d’œstrogènes qui accompagne la phase finale de la croissance du follicule ovarien et culmine un peu avant la réceptivité sexuelle. Elle est suivie par le démarrage de la production de progestérone lorsque le corps jaune se met en place. Lors de cycles œstriens, ces deux phases se succèdent. Toutefois d’autres hormones sont sécrétées au cours de la période périovulatoire: chez les Rongeurs, une production brève et intense de progestérone est observée au voisinage de l’ovulation. Dans diverses espèces, la sécrétion d’œstrogènes est accompagnée par celle d’androgènes, en quantités variables.L’équilibre hormonal artificiel qui permet de faire apparaître la réceptivité sexuelle chez la femelle ovariectomisée varie avec les espèces, mais les œstrogènes y jouent généralement un rôle essentiel: par exemple chez la truie, la furette, la chatte ou la vache, une injection d’œstrogènes est suffisante. Chez la brebis, en revanche, un prétraitement par de la progestérone pendant plusieurs jours est nécessaire pour que les œstrogènes aient un effet maximal et répétable. Enfin, chez la majorité des Rongeurs, c’est une injection de progestérone suivant un traitement d’œstrogènes qui provoque le comportement d’acceptation du mâle (fig. 4).Il est cependant des situations plus complexes: chez la chienne, alors que la femelle est déjà attractive pour le mâle, sous l’action des œstrogènes, elle refuse l’accouplement. Elle ne l’acceptera que lorsque le taux de progestérone commence à s’élever. En outre, dans la plupart des espèces, la progestérone possède en elle-même une action inhibitrice envers l’activité sexuelle. Ce phénomène peut rendre compte de la cyclicité de l’activité sexuelle et de la durée de la période de réceptivité, par exemple, chez les Équidés et les Primates. Néanmoins, dans ces deux cas, les œstrogènes peuvent agir en synergie avec les androgènes surrénaliens.Rôle des hormones sur la nature et l’intensité du comportement sexuelDans l’un et l’autre sexe, la variation expérimentale des taux d’hormones reçues ne modifie pas l’intensité de l’activité sexuelle. Chez la femelle, une proportionnalité apparaît entre la dose d’œstrogènes et la durée de la réceptivité; chez le mâle, un accroissement de la dose journalière d’androgènes administrée au castrat accélère la restauration de son comportement copulatoire. Mais dans les deux cas, les mesures de l’activité sexuelle (fréquence des parades et des copulations) ne sont pas différentes de ce qu’elles étaient chez le sujet intact, et cela indépendamment des doses hormonales pourvu que soit atteint le seuil qui permet l’apparition des réponses.L’existence d’hormones différentes selon le sexe pose le problème de la spécificité d’action de ces produits: est-ce bien l’hormone qui possède la propriété d’induire le comportement mâle ou femelle? Le traitement par des hormones du sexe opposé a donné sur ce point d’importants résultats. Chez la femelle, l’injection quotidienne d’androgènes fait apparaître progressivement divers éléments moteurs caractéristiques du comportement du mâle (parades sexuelles, monte, etc.). L’ensemble des actes et postures caractéristiques du comportement sexuel du mâle apparaissent ainsi chez la femelle traitée en permanence aux androgènes, même la posture qui chez le mâle accompagne l’éjaculation, et qui est suivie de la même période « réfractaire » (C. Fabre-Nys). Les rôles sociaux du mâle (conduites agonistiques, constitution et défense d’un harem ou d’un territoire) apparaissent. Par contre, lorsqu’une seule injection d’hormone mâle est faite après ovariectomie, on observe un comportement de réceptivité sexuelle femelle entièrement normal. La conduite est donc déterminée par le rythme du traitement et pas seulement par la nature de l’hormone.Chez le mâle, la situation est plus complexe: la plupart des études montrent que, castré à l’âge adulte, il ne présentera qu’exceptionnellement une réponse femelle à la suite du traitement qui induit la réceptivité chez la femelle ovariectomisée. En revanche, lorsque les œstrogènes sont administrés en permanence sous la forme d’injections journalières ou d’implants, ils peuvent induire une reprise de l’activité sexuelle mâle.L’élaboration du comportement spécifique de chaque sexe dépend donc plus du rythme avec lequel l’hormone est libérée dans la circulation sanguine que de la nature de cette hormone.L’existence d’une non-spécificité sexuelle des hormones contribue à expliquer ce phénomène – il y a des androgènes chez la femelle et des œstrogènes chez le mâle – mais, surtout, la possibilité d’une voie métabolique permettant la transformation des androgènes en œstrogènes au niveau cérébral apparaît maintenant un phénomène essentiel. Les œstrogènes ainsi produits par aromatisation seraient la forme principale agissant au niveau des centres nerveux, et ce dans les deux sexes. En effet, des formes non aromatisables d’androgènes comme la dihydrotestostérone sont sans effet au plan du comportement du mâle comme de la femelle.Toutefois, cette voie métabolique aboutissant à une modalité d’action unique ne concerne que l’effet sur les centres nerveux impliqués dans les comportements sexuels. Au niveau des organes cibles périphériques, tractus génital et caractères sexuels secondaires, œstrogènes et androgènes ont les uns et les autres une action spécifique et bien différente.Ainsi donc, la spécificité sexuelle de l’hormone ne joue qu’un rôle secondaire – par ses effets au niveau des organes cibles périphériques – tandis que le rythme de sécrétion et la durée d’action de l’hormone paraissent déterminants pour l’orientation sexuelle de la réponse.Cependant, si la plasticité des réponses est grande chez la femelle, elle est très limitée chez le mâle.Nos connaissances endocrinologiques ne permettent pas d’expliquer les comportements sexuels paradoxaux. L’existence d’un comportement de monte chez la femelle, en œstrus ou non, est couramment observée dans de très nombreuses espèces (Rongeurs, Canidés, Ongulés, etc.), de même que chez les jeunes animaux: on voit des agneaux de quelques jours chevaucher leurs congénères. Ici le mécanisme moteur du comportement de monte apparaît sans qu’il y ait eu de sécrétion de l’hormone mâle. De tels cas, suffisamment fréquents pour que l’on puisse les considérer dans ces espèces comme normaux, quoique inadaptés ou « paradoxaux », posent au sujet des mécanismes sensoriels et nerveux en jeu des problèmes pour lesquels on ne dispose pas d’éléments de réponse cohérents.Rôle du système nerveuxLa motivation sexuelle résulte de l’action des hormones portées par la circulation sanguine au niveau du système nerveux central. Le délai d’action est relativement long: plusieurs dizaines d’heures chez la femelle (où cette action est la plus rapide). Cela implique la mise en œuvre de mécanismes biochimiques et neurophysiologiques très élaborés.L’utilisation d’hormones marquées par un élément radioactif permet de connaître leur lieu d’action (D. W. Pfaff, W. E. Stumpf). On constate ainsi que des groupes de neurones qui fixent les stéroïdes sexuels sont mis en évidence dans les structures centrales du diencéphale (hypothalamus) ou du rhinencéphale (amygdale, septum, système limbique). Mais il en apparaît aussi dans des organes sensoriels comme le bulbe olfactif et dans des structures impliquées dans la réalisation motrice comme la moelle.Les différentes méthodes de la neurophysiologie ont confirmé l’intervention de ces diverses structures, mais le progrès des méthodes modernes d’analyse a fait reculer l’espoir de pouvoir attribuer à certaines zones du cerveau un rôle de « centre sexuel » ou de présenter un schéma simple de la mise en œuvre des conduites de reproduction.Les formations hypothalamiques semblent très importantes pour la mise en œuvre du comportement sexuel (fig. 5).L’emploi convergent de différentes techniques tend à faire attribuer à la partie de l’hypothalamus située au-dessus et en avant du chiasma optique un rôle essentiel dans l’organisation de l’activité sexuelle: A. Soulairac montre que la destruction de cette zone peut abolir toute activité sexuelle sans interférer aucunement avec la normalité physiologique de l’animal, entre autres le fonctionnement de l’appareil génital et des gonades. En mettant en place de très petites quantités d’hormones dans cette région, on provoque le comportement sexuel sans agir sur l’appareil génital, aussi bien chez le mâle castré que chez la femelle ovariectomisée (R. P. Michael, A. E. Fischer).Les mécanismes nerveux de la satisfaction consécutive à la réalisation d’un comportement pourraient également se situer au niveau hypothalamique. Cela est suggéré par des résultats de J. Olds chez le rat: certaines stimulations sont recherchées par l’animal expérimental, à tel point que, si l’on met à sa disposition un système lui permettant de commander lui-même la stimulation électrique, il le fait avec une fréquence très élevée. Or, dans certaines régions hypothalamiques plus postérieures que les précédentes, la fréquence de telles autostimulations diminue lorsque l’animal expérimental est castré et augmente à nouveau lors d’un traitement androgène.Des expériences de lésions confirment l’implication des structures rhinencéphaliques dans le comportement sexuel: ainsi, une hypersexualité apparaît après des lésions amygdaliennes (L. H. Schreiner et A. Kling). L’activité électrique hippocampique peut être reliée à l’activité sexuelle (P. D. Mac Lean). Par stimulations de diverses zones rhinencéphaliques, on provoque l’érection chez le singe-écureuil (D. Ploog et P. D. Mac Lean). B. J. Hart a étudié chez plusieurs espèces (chien, chat, rat) l’effet d’une transsection médullaire: chez l’animal « spinal », la partie postérieure du corps ne peut plus recevoir les messages cérébraux. Dans de telles conditions, une stimulation génitale provoque cependant, aussi bien chez le mâle que chez la femelle, les réponses motrices de l’accouplement, mais ces réflexes sexuels n’apparaissent que lorsque l’équilibre endocrinien le permet.La stimulation électrique transcutanée peut induire l’érection et l’éjaculation. Cette technique d’électro-éjaculation est utilisée en pratique pour les espèces domestiques (taureau, bélier) mais aussi pour obtenir du sperme chez des animaux de laboratoire (rat, primates).Les afférences sensoriellesL’absence d’une ou de plusieurs informations sensorielles, même spécifiques, n’empêche pas la réalisation de l’accouplement. Cela a été mis en évidence expérimentalement chez le rat (F. A. Beach), le taureau (J. O. Almquist), le bélier (D. R. Lindsay), l’étalon (S. Wiersborwski), les Porcins (J.-P. Signoret), etc. En revanche, chez certaines espèces, l’odorat semble essentiel: chez les Rongeurs, K. Larsson a montré que l’ablation des bulbes olfactifs supprime l’activité sexuelle de rats mâles. Il en est de même chez le hamster (S. S. Winans).Les ajustements posturaux eux-mêmes semblent être organisés en partie grâce aux informations sensorielles de la zone génitale: si l’on sectionne l’innervation du pénis chez le rat, on obtient des animaux qui ne peuvent pas réaliser les ajustements posturaux de l’accouplement, mais restent capables d’érection et d’éjaculation (J. S. Rosenblatt).Chez certaines espèces, le pénis comporte des formations androgénodépendantes – épines cornées du chat et du rat – qui semblent jouer un rôle important dans la réalisation de l’éjaculation. Le maintien de la copulation après castration paraît directement influencé par la persistance et l’évolution de ces formations.Les modifications de l’équilibre hormonal retentissent sur l’ensemble des phénomènes neurochimiques. Des interventions dans ce domaine auront des conséquences dans celui de l’activité sexuelle.A. Soulairac a établi, vers 1960, qu’une augmentation du niveau adrénergique (adrénaline ou amphétamine) diminue l’activité sexuelle, tandis que l’atropine à forte dose fait disparaître chez le rat mâle tout comportement sexuel.B. J. Meyerson a établi que l’œstrus était accompagné d’une très forte réduction du taux de monoamines cérébrales. Des inhibiteurs des monoamineoxydases réduisent le taux de réponse sexuelle chez la rate, et cette inhibition est particulièrement nette lorsqu’il y a une augmentation sélective du taux de sérotonine cérébral; la baisse des amines provoquée par la réserpine ou la tétrabénazine peut remplacer la progestérone pour provoquer le comportement sexuel de la rate prétraitée aux œstrogènes (B. J. Meyerson); la réserpine réduit le nombre d’intromissions nécessaire pour obtenir l’éjaculation du rat mâle (A. Soulairac, D. A. Dewsbury), tandis que la parachlorophénylalanine, inhibitrice de la biosynthèse de la sérotonine, accroîtrait le niveau de l’activité sexuelle du mâle dans certaines conditions (P. Tagliamonte).L’inhibition qu’exerceraient les centres nerveux supérieurs sur le déclenchement médullaire du comportement sexuel (selon l’hypothèse formulée par F. A. Beach) pourrait reposer sur des mécanismes sérotoninergiques. Les possibilités d’intervention qu’offre la neuropharmacologie ouvrent dans cette direction de très vastes possibilités de recherche.D’autres substances actives sur le système nerveux ont une action moins nette: l’alcool éthylique ou l’éther à faible dose peuvent influencer le comportement sexuel, en réduisant des inhibitions dues à une situation non familière, mais, si les doses augmentent, on observe au contraire une réduction de l’activité sexuelle. Les substances réputées aphrodisiaques n’ont aucun effet sur le comportement sexuel d’animaux observés dans des conditions rigoureuses.5. Développement et maturation du comportement sexuelFonctionnellement, le comportement sexuel doit être d’emblée efficace pour pouvoir permettre la survie de l’espèce. À l’opposé de la plupart des autres comportements, ceux qui concernent la reproduction – accouplement et conduites parentales – ne peuvent être appris progressivement. Ils doivent apparaître fonctionnels à l’âge adulte. Toutefois, la longue période qui chez les Mammifères précède la puberté peut être mise à profit pour étudier l’importance de l’organisation des conduites adultes par les informations acquises au cours du développement. Mais les conduites de reproduction peuvent, comme toutes les autres, faire l’objet d’un apprentissage. Enfin, au plan du système nerveux la maturation et la sexualisation des structures neuronales conditionnent la réalisation des conduites.Ontogenèse du comportement sexuelLes observations de O. Heinroth et K. Lorenz ont mis en évidence l’importance des contacts au cours du jeune âge pour le choix du partenaire sexuel: un jeune oiseau élevé par l’homme dirigera vers celui-ci des parades nuptiales. L’importance de ces phénomènes d’empreinte est très grande chez certains groupes d’Oiseaux: des pigeons choisissent un partenaire sexuel de la couleur des oiseaux qui les ont élevés (C. C. Warriner); des tourterelles qui ont été élevées par des parents adoptifs d’une autre espèce formeront un couple avec un partenaire appartenant à l’espèce qui les a élevées (A. Brosset).En ce qui concerne les Mammifères, si l’on ne dispose pas d’expériences aussi frappantes, il est cependant établi que les informations reçues dans le jeune âge ont dans certains cas une influence considérable. Leur suppression amène à de profondes perturbations, surtout mises en évidence chez le mâle. Chez le macaque, H. F. Harlow a constaté que des animaux élevés dans l’isolement sont incapables de réaliser les ajustements posturaux de l’accouplement. Des phénomènes similaires, bien que souvent moins marqués, sont signalés chez le chien (F. A. Beach) ou le cobaye (E. S. Valenstein, W. C. Young).Certains auteurs décrivent des déficits chez les rats isolés (F. A. Beach et J. Kagan, A. A. Gerall), d’autres au contraire ne notent pas de modifications dues à un isolement précoce (P. G. Zimbardo).Les capacités de récupération après un isolement varient selon les espèces: l’élevage en isolement ou en ségrégation sexuelle produit des perturbations du démarrage de l’activité sexuelle du bélier ou du verrat. Cependant, même si dans certains cas, le niveau d’activité sexuelle peut être influencé à long terme, la plupart des sujets deviennent capables de se reproduire normalement.La femelle semble bien moins sensible que le mâle à des privations de contacts sociaux. L’attraction vers le mâle est normale chez la truie ou la rate élevée depuis la naissance en totale ségrégation sexuelle (W. J. Carr, J.-P. Signoret). Toutefois, chez le macaque rhésus, H. F. Harlow a observé une désorganisation complète des ajustements posturaux permettant l’accouplement; de même les comportements maternels sont totalement perturbés.L’existence d’éléments sexuels dans les jeux entre jeunes animaux avait amené à leur attribuer un rôle organisateur pour les conduites adultes. Or l’étude expérimentale réalisée chez les Ovins montre que la privation du jeu sexuel est sans influence sur les conduites copulatoires du bélier, bien que le contact hétérosexuel prépubertaire soit nécessaire à la mise en place du comportement sexuel (P. Orgeur).Les mécanismes de cette organisation comportementale restent donc hypothétiques.ApprentissageComme dans tout comportement, l’apprentissage permet une amélioration de la réalisation des diverses phases: recherches mutuelles, identification de la réceptivité de la femelle et ajustements posturaux. L’effet de cet apprentissage est même ressenti après castration dans diverses espèces; chez le chat castré, la persistance d’une activité sexuelle dépend principalement de l’expérience antérieure.Maturation et orientation sexuelle du système nerveuxLa mise en place des schémas nerveux qui interviennent dans le comportement sexuel, en particulier l’orientation de l’activité hypothalamo-hypophysaire, se produit sous l’influence des hormones fœtales et néonatales, selon les résultats obtenus par Harris. D’autres auteurs, comme S. Lévine et R. E. Whalen, ont montré que le système nerveux de l’embryon était à l’origine indifférencié, présentant potentiellement les deux schémas de comportement mâle et femelle. La sécrétion androgène du jeune supprime chez le mâle la capacité de réaction femelle: un jeune rat mâle, castré à la naissance, présente à l’âge adulte une réaction posturale caractéristique de la femelle (lordose) s’il a reçu des injections d’œstrogènes, puis de progestérone. Au contraire, recevant un traitement continu d’androgènes, il réagira comme un mâle. Une femelle ovariectomisée à la naissance ou à l’âge adulte réagira de même: réponse femelle aux œstrogènes suivis de progestérone, réponse mâle après un traitement continu d’androgènes.En revanche, le mâle castré à partir de l’âge de dix jours a perdu la capacité de présenter la réaction de lordose. Une injection de testostérone dans les cinq premiers jours de la vie a le même effet chez le mâle castré à la naissance, mais aussi chez la femelle. Chose curieuse, des œstrogènes administrés au même moment ont le même effet en « déféminisant » la capacité de réaction sexuelle de l’animal (R. E. Whalen).Comme pour la mise en œuvre du comportement sexuel, la transformation des androgènes en œstrogènes par aromatisation serait impliquée dans la sexualisation des structures nerveuses.Cette sexualisation des formations nerveuses a lieu à des stades différents par rapport à la naissance selon les espèces. Chez les Primates comme chez les Ovins, l’essentiel se déroulerait pendant la vie fœtale. Par contre, les Porcins mâles présentent très tardivement une sexualisation nerveuse: un verrat castré au voisinage de la puberté (5 mois) peut encore présenter des réponses sexuelles femelles après le traitement œstrogène qui induit la réceptivité de la truie (J. J. Ford, J.-P. Signoret).Ainsi la réalisation du comportement sexuel de l’adulte est déterminée à la fois par les informations reçues au cours d’activités précédentes et par celles échangées avant la puberté. Mais cette mise en place du comportement s’effectue aussi à partir des signaux internes, puisque les sécrétions hormonales fœtales et néonatales « sexualisent » le système nerveux.6. Comportement animal et comportement humainL’analyse du comportement sexuel des Mammifères peut-elle éclairer certains aspects des conduites humaines? Pour tenter de répondre à cette question, on cherchera ce que sont devenus, au niveau humain, les grands mécanismes passés en revue chez l’animal.La force et la profondeur de la pulsion sexuelle suggèrent l’existence d’un déterminisme biologique. On tendrait alors à considérer l’ensemble du domaine sexuel comme ressortissant à la biologie, en limitant la dimension socio-culturelle à l’addition d’un mélange de permissions et d’interdits à un phénomène purement physiologique. Or il semble possible, au contraire, de discerner en de nombreux domaines une participation extrêmement importante et souvent dominante des influences socio-culturelles, souvent là où on les attendrait le moins. Ailleurs, des mécanismes, pourtant considérés en général comme spécifiquement humains, plongent leurs racines très loin au-dessous de notre espèce. Celle-ci a élaboré un extraordinaire contexte culturel et sociologique autour de la relation entre partenaires sexuels, mais l’existence d’une liaison interpersonnelle se prolongeant au-delà des relations sexuelles est une dominante de l’espèce; sa force et son retentissement émotif suggèrent que la notion du couple humain comporte une base biologique profonde sous ses aspects psychologiques, affectifs, moraux ou culturels.Ces phénomènes socio-culturels ont pris une place très inattendue en ce qui concerne la séquence comportementale des relations sexuelles. Comme l’écrivait A. C. Kinsey aux termes d’un chapitre où il avait confronté le résultat de ses enquêtes avec les données ethnologiques: « On surprendrait beaucoup de gens en leur apprenant que les positions adoptées lors de l’acte sexuel sont influencées par la culture de leur civilisation au même titre que le langage ou le vêtement. »En ce qui concerne les mécanismes nerveux et hormonaux, l’homme apparaît comme le terme d’une évolution où la part prise par le système nerveux central devient dominante, tandis que le signal hormonal, tout en restant présent et actif, perd de son importance pour n’être que facultatif. On retrouve dans l’espèce humaine des traces indéniables de l’influence de l’équilibre endocrinien, mais il existe d’innombrables cas cliniques rapportant l’exercice d’un comportement apparemment « normal » malgré des déficiences hormonales ou anatomiques aussi fondamentales que l’absence de gonades ou divers degrés d’infantilisme génital, chez la femme par exemple.Parmi les signaux responsables du déclenchement immédiat de la pulsion sexuelle, le signal visuel semble avoir, comme chez l’animal, une importance particulière. De même une représentation, même symbolique, du déclencheur conserve son efficacité. La perception et la représentation de l’activité sexuelle possèdent aussi, comme chez l’animal, un effet d’augmentation de la motivation, si bien que la pornographie met en jeu des mécanismes élémentaires communs à l’animal et à l’homme. Il en est exactement de même des phénomènes de satiété spécifique que l’on retrouve dans l’espèce humaine, en compétition d’ailleurs avec la motivation à une liaison interpersonnelle.L’effet de facteurs agissant dans le jeune âge sur l’organisation du comportement est établi par les observations cliniques que Freud a inaugurées. Cette action atteint, selon certains psychologues, une importance que l’on pourrait sous-estimer lorsqu’on raisonne par rapport à l’animal. L’équipe du Johns Hopkins Hospital (J. Money et J. G. et J. L. Hampson), en étudiant des cas d’intersexualité résultant d’une virilisation (par une tumeur surrénalienne de la mère) d’embryons de sexe femelle, a montré que le sexe dans lequel l’enfant était élevé déterminait l’ensemble de son orientation ultérieure, ainsi que les caractères sexuels « tertiaires » selon la terminologie de J. Money, c’est-à-dire tout ce qui est sexué dans la manière d’être et d’agir dans les relations humaines.On en vient ainsi à souligner la prise en charge, dans le cas de l’homme, de comportements réputés instinctifs par des mécanismes nerveux supérieurs faisant intervenir le cortex cérébral, puisque les régulations hormonales et les influences nerveuses profondes (diencéphaliques) apparaissent filtrées, amoindries ou modifiées, masquées ou exacerbées par le contrôle des centres supérieurs, allant jusqu’à susciter ou à réprimer un comportement en contradiction avec un déterminisme profond, donc à permettre ce que l’on pourrait appeler la liberté.
Encyclopédie Universelle. 2012.